Espagne 1936
Suite au un coup d'état mené à partir du Maroc Franco
remporte des victoires en Andalousie, à
Saragosse, à Séville et à Oviedo. Les travailleurs
avaient réagi trop tardivement ou avaient fait
confiance trop longtemps à des chefs d'armée qui se proclamaient
fidèles à la République, pour
trahir dans les heures suivantes. L'Andalousie et Séville étaient
essentiellement des régions rurales,
où les paysans n'avaient pas la même tradition d'organisation
que les travailleurs des grandes villes.
Par contre partout où les travailleurs prennent l'initiative ils
gagnent. A Barcelone les dirigeants de la
CNT réclament des armes aux socialistes qui refusent, les militants
de la CNT vont les chercher
dans les magasins ; les dockers s'emparent des armes sur les bateaux du
port. Un slogan naît : NO
PASARAN ! Les travailleurs barcelonais pourront régler leur compte
aux les troupes franquistes et
les écraser par le nombre. Les travailleurs sont mal armés
et subissent de lourdes pertes mais leur
nombre est si impressionnant que les victimes sont toujours remplacées
et l'armée de Franco sera
submergé par la foule. A Madrid, la CNT et L'UGT (syndicat socialiste)
appellent à la grève
générale et les barricades s'élèvent, avant
que les militaires se soient mis en mouvement et les
fascistes ne passeront pas. Ils ne passeront pas non plus à Malaga
et dans le pays Basque.
Une nouvelle société
La lutte contre le fascisme s'élargit très vite à
la lutte contre le système. La république ayant montré
son incapacité à lutter contre le fascisme (alors que tous
soupçonnaient un coup d'état les socialistes
nient son existence quand il débute) les travailleurs se sont organisés
eux-mêmes pour gagner contre
leur ennemi de classe. Les travailleurs prennent tout en main. Il faut
assurer la production d'armes,
les milices, le ravitaillement, les transports pour gagner la guerre. Ils
doivent donc relancer
l'économie, ce qu'ils essayent de faire à l'initiative de
la CNT. Barcelone est la ville où la
collectivisation est la plus poussée : 70% des entreprises saisies,
les transports en commun,
l'électricité, le gaz, le téléphone, la société
des pétroles sont collectivisée. A Valence les ateliers de
construction navale sont sous contrôle ouvrier. A Gijon la pêche
est gérée par les comités ouvriers.
Les travailleurs gèrent leur vie et les salaires augmentent malgré
la guerre, 10% d'enfants en plus sont
scolarisés, par endroit les terres sont collectivisés et
la production augmentent de 50% selon la
CNT, les mendiants sont pris en charge et reclassés. L'imagination
des travailleurs pour résoudre
des situations désespérées ou améliorer leur
vie atteint des sommets. Ainsi les fascistes ont subi de
terribles défaites mais en plus ils ont déclenché
ce que leur action voulait prévenir : la révolution.
Mola un dirigeant du coup d'état juge même la cause perdue
et dira que s'il a continué c'est parce
qu'il n'arrivait plus à contrôler les hommes mis en mouvement.
Cependant la bourgeoisie se rallie
toujours plus largement au fascisme, la démocratie parlementaire
étant incapable de freiner l'élan
révolutionnaire. De plus la révolution n'a plus comme seul
adversaire la bourgeoisie espagnole :
l'Allemagne et l'Italie apporteront un soutien militaire massif et décisif
à Franco. En France les
espagnols fuyant leur pays sont internés par l'État ; les
armes pouvant soutenir les antifascistes
d'Espagne n'ont pas le droit de passage, ce qui isole encore plus la révolution.
Les craintes pour
leurs intérêts immédiats et pour leur propre pays ont
poussé les capitalistes français et anglais à ne
pas intervenir et donc à ne pas donner d'armes pour la lutte antifasciste.
Isolement
" Une Espagne fasciste ressuscitée, en complète sympathie
avec l'Italie et l'Allemagne, est une
sorte désastre. Une Espagne communiste qui déploierait à
travers le Portugal et la France
ses perfides tentacules, en est une autre , et que beaucoup considère
comme pire..." expliqua
Churchill ; ainsi le héros de 39-45 adresse-t-il sa sympathie aux
antifascistes d'Espagne. Seule la
Russie stalinienne livre des armes pour lutter contre les fascistes mais
ce soutien n'est que de façade,
Staline ne voulant ni s'isoler des démocraties occidentales ni favoriser
l'ascension de la révolution.
Les travailleurs s'étant engagés dans la révolution,
on assiste à une situation de polarisation extrême
où le choix se fait entre fascisme et révolution. Or les
fascistes sont organisés et pourront obtenir le
soutien de tous les capitalistes de la planète. Pour gagner il aurait
fallu décréter l'indépendance du
Maroc ce qui aurait pu permettre de couper les bases arrières de
Franco ; pousser les
collectivisations à leur terme. Ceci aurait inspiré tous
les hésitants et permis de remettre en cause la
suprématie franquiste en Andalousie et à Séville ;
il aurait fallu remplacer la République par le
pouvoir des travailleurs et là encore inspirer plus de monde en
Espagne mais aussi en Europe. Pour
faire ça il fallait des gens partout pour pousser dans ce sens au
même moment, pouvant réagir vite,
assurant ainsi l'avancée et l'homogénéité de
la révolution. Seule la CNT avait le nombre et l'audience
suffisante pour le faire.
Guerre ou révolution ?
Le pouvoir est à prendre pourtant les anarchistes refusent de le
prendre au nom de grands principes
: « Nous pouvions être seuls, imposer notre volonté
absolue, déclarer caduque la Généralité
[gouvernement catalan NDLR] et imposer à sa place le véritable
pouvoir du peuple, mais
nous ne croyions pas à la dictature quand elle s'exerçait
contre nous et ne la désirions pas
quand nous pouvions l'exercer nous mêmes aux dépens des autres
». (Santillan dirigeant
anarchiste). Ne réussissant pas à impliquer plus de monde,
les dirigeants de la CNT sont contraints
de rejoindre un gouvernement bourgeois seul moyen pour obtenir des armes
rapidement (qu'ils
n'auront jamais). Pourtant de nombreux révolutionnaires de la CNT
ont essayé de poursuivre la
révolution. L'outil-CNT explose d'autres militants ne combattant
plus pour faire avancer la révolution
mais seulement pour défendre la république. La guerre devient
donc purement militaire entre
l'Espagne républicaine (qui n'a aucune chance de gagner) et les
fascistes. A la fin du XVIIIe siècle St
Just disait " ceux qui font une révolution à moitié
creusent leur propre tombe ". Depuis que ce
soit à Petrograd en 1917 en Allemagne en 1919 à Barcelone
en 1936 les grands mouvements ont
toujours déclenché une réaction et une répression
croissante des dirigeants du monde entier. Ce qui
a manqué dans la plupart des cas c'était une organisation
suffisante. C'est ce qui a manqué en
Espagne.
Guillaume Bosc (Lyon)
Cet article est paru dans le mensuel Socialisme par
en bas en 2000
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